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on ne verra point en Allemagne une philosophie insoucieuse de la théologie, ni une théologie immobile et indifférente au progrès philosophique. À plus forte raison cette influence réciproque devait-elle être considérable, en un temps où les théologiens, dans les universités, avaient la haute main sur tout l’enseignement.

Le mouvement religieux porte le nom de piétisme[1]. Pour bien l’entendre, il faut dégager ce mot des associations qui s’y sont attachées depuis. « Piétisme » évoque immédiatement pour nous l’idée d’une dévotion étroite, formaliste, intolérante et volontiers persécutrice. Mais, à l’origine, le piétisme fut précisément le contraire. Spener, son fondateur, se proposait de réveiller le sens de l’esprit étouffé par la superstition de la lettre : moins de théologie et de formules, plus de religion et de vraie piété. À des pratiques machinales, d’où l’âme est absente, Dieu préfère un cœur pur, des sentiments charitables et une vie chrétienne. Le clergé luthérien avait fini par perdre le sens du protestantisme. Il s’était arrogé peu à peu le rôle d’intermédiaire indispensable entre les fidèles et Dieu. C’est une prétention insupportable ; Luther n’a-t-il pas appelé tous les chrétiens à la lecture et à l’interprétation des livres saints ? Tout fidèle a le devoir et partant le droit d’étudier lui-même la parole divine, d’instruire, de surveiller, de consoler et de convertir autour de

  1. Pour l’histoire du piétisme, il nous a été impossible de recourir aux documents originaux. Nous nous sommes servi principalement de Hettner, Geschichte der Litteratur im XVIIItem Jahrhundert, III, 50-58 ; Julian Schmidt, Geschichte des geistigen Lebens von Leibniz bis auf Lessings Tod, I, 83-92 ; {{sc|Biedermann, II, 1, 321-352. et Ritschl, Geschichte des Pietismus, t. II, Bonn, 1884.