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Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/44

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lui. Il n’est point pour cela besoin d’avoir approfondi la théologie, ni d’appartenir à un corps ecclésiastique. Plein de cette idée d’une piété active et mêlée à la vie, Spener s’intéressait à toutes les classes de fidèles, même les plus humbles, et voulut les éveiller à la vie religieuse.

Le clergé orthodoxe s’occupait fort peu du peuple. Il exigeait bien que les petites gens vinssent à l’église, mais il n’allait pas les chercher chez eux. Il les abandonnait à leur ignorance et à leur misère, qui auraient eu si grand besoin de conseils et de consolations. Très souples devant les princes et les grands, — ils avaient beaucoup contribué à établir le pouvoir absolu des princes et à généraliser le servage, — les pasteurs luthériens se croyaient fort au-dessus du peuple, dont ils partageaient pourtant, pour la plupart, les superstitions. Ils s’accommodaient des mœurs grossières de la classe inférieure, et se bornaient à la mater par la crainte de l’enfer et des pénitences ecclésiastiques. Peu à peu même l’usage s’était introduit de laisser racheter ces pénitences. Selon Richter, c’était une coutume à peu près universelle en Allemagne au commencement du XVIIIe siècle. Il est assez piquant de voir ainsi le clergé luthérien renouveler les abus qui avaient provoqué l’indignation de Luther, et servi de cause occasionnelle à la Réforme.

La prédication se ressentait naturellement de la grossièreté des fidèles et de leurs pasteurs. « Ce n’était en général, dit Hossbach[1], l’historien de Spener, qu’une suite de jeux de mots ou de jeux

  1. Cité par Biedermann, II, 1, 320.