Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/45

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d’esprit fort déplacés, ou de discours ridicules. » « Les pasteurs en chaire, dit un autre contemporain, racontent de telles histoires, que les honnêtes gens en sont honteux et quittent l’église, tandis que les autres rient comme au cabaret. Les orateurs sacrés font des grimaces comme les paillasses à la parade ; ils parlent tout d’un coup si bas qu’ils ne réveilleraient pas un enfant : ils s’escriment de la main, frappent du pied, roulent les yeux, etc. » Ne se croirait-on pas au sermon du père Lubin, si joliment imité par Mérimée dans la Chronique du temps de Charles IX ?

Spener entendait que l’on prît le ministère sacré plus au sérieux. Le clergé luthérien avait laissé tomber en désuétude l’instruction religieuse des adultes. Spener commença par la rétablir. Puis, faisant un pas de plus, il organisa chez lui des réunions pieuses, où les fidèles de toute condition, savants et ignorants, nobles et roturiers, étaient indifféremment admis. Au milieu d’eux le pasteur allait et venait, sans apparat d’aucune sorte, expliquant, consolant, édifiant. C’était une nouveauté incroyable et qui fit grand bruit. L’exemple du premier pasteur de Francfort fut vite suivi, d’abord dans les villes et les campagnes voisines, puis peu à peu dans toute l’Allemagne protestante. Ces Collegia pietatis (d’où le nom de piétistes), ne donnèrent pas d’abord d’ombrage aux orthodoxes. Spener enhardi publia alors ses Pia Desideria. Il y recommandait la modération et la douceur envers les non-orthodoxes, soutenait que la violence est un mauvais moyen de conversion, et répétait que le vrai christianisme n’est pas affaire de savoir mais