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Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/56

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Cela le fit réfléchir. Peu à peu il arrive à rejeter, ici encore, l’autorité, et à oser se servir de sa raison. Au bout de sept ans, il se décide à s’attaquer aux procès de sorcellerie : mais comment ? S’il les avait abordés de front, il soulevait un tolle général : l’insuccès était certain, et Thomasius pouvait payer sa tentative fort cher. Il ne faisait pas bon alors paraître plaider pour le malin. Thomasius commence par désarmer l’adversaire. « Je crois au diable, écrit-il, dans sa curieuse Dissertation sur le crime de Magie. Je crois qu’il existe des sorciers et des sorcières qui portent traîtreusement préjudice aux hommes et aux animaux, je crois aux conjurations, etc… Mais ce que je ne puis croire, c’est que le diable ait des cornes et des griffes, qu’il puisse prendre un corps et apparaître aux hommes sous telle ou telle forme, — qu’il fasse des pactes avec eux, qu’il exige leur signature, qu’il les emmène au Blockersberg (sic) sur un bouc ou sur un manche à balai. » Par conséquent, quoiqu’il existe très certainement des sorciers, et quoiqu’on doive les punir, si on les connaît, on ne peut cependant leur faire de procès pour leurs relations avec le diable, puisqu’il ne saurait y avoir de preuves de fait. Cette argumentation naïvement subtile réussit. Thomasius fit honte aux juristes d’avoir servi d’instruments aux théologiens, et d’avoir condamné sans preuves suffisantes. Les procès de sorcellerie furent dès lors abandonnés en Allemagne. « Si les femmes peuvent vieillir et mourir en paix en Allemagne, disait Frédéric II, c’est à Thomasius qu’elles le doivent. »

Tliomasius rendit un autre service important à l’Allemagne, et en particulier à la Prusse, en réfor-