Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/57

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mant l’enseignement du droit. Il condamne l’abus du droit romain, que l’on apprend, dit-il, de la manière la plus fatigante et la plus scolastique. De l’aveu même des partisans du droit romain, plus des neuf-dixièmes de ce que les étudiants apprennent ainsi est absolument inutile dans la pratique. Or Thomasius est, nous le savons, l’ennemi juré de la vaine érudition. Il veut donc que l’enseignement du droit tienne compte de la fin que les étudiants se proposent. « Jusqu’ici, écrit-il dans une préface de 1713, les jurisconsultes allemands, dans les Académies même des princes protestants, se contentaient d’expliquer le droit de Justinien et le droit canonique. Ils semblaient faire exprès de persuader aux étudiants que cela suffit, et qu’il n’y a point d’inconvénient à ignorer les coutumes et les lois germaniques. Mais Conring (jurisconsulte, ami de Leibniz) vint, et soutint l’opinion contraire. Il montra avec évidence que les questions de droit public ne pouvaient se définir dans le droit de Justinien, et qu’il fallait pour cela étudier les antiquités germaniques, que même dans le droit privé on ne pouvait les omettre tout à fait. » Thomasius conseille donc, sans négliger le droit romain, de rendre au droit germanique la place qui lui revient : il recommande d’étudier les lois des Saxons, des Goths, des Burgondes, des Lombards, les capitulaires des rois de France, etc. Bientôt la faculté de droit de Halle fut une des plus florissantes de l’Allemagne, et pendant tout le XVIIIe siècle elle servit de pépinière à l’administration prussienne[1].

  1. Voyez Neues allgemeines Archiv fur die Geschichte des preussischen Staats, I, fascicule 3, cité par Hettner, III, 112.