Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/59

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mais de Spener et de Thomasius. « On a coutume, dit un historien[1] d’insister si fort sur la barbarie et la misère de la guerre de Trente ans. Mais cette génération (de la fin du XVIIe et du commencement du XVIIIe siècle), qui avait grandi sous l’oppression de princes débauchés et récemment parvenus à rendre leur pouvoir absolu, était, dans sa grande généralité, encore infiniment plus dégradée. Ce qu’il y a de plus fort dans le célèbre roman de Simplicissimus n’est rien au prix de la grossièreté des nombreuses imitations que suscita en Allemagne Robinson Crusoë (paru en 1719), et auxquelles on donna le nom de Robinsonnades. Qui n’a pas lu un de ces livres ne peut se faire une idée de l’indescriptible barbarie dont souffrait encore la génération de Leibniz et de Woltf. » En faisant la part de l’exagération habituelle à Hettner, le tableau reste vrai. Jamais la poésie allemande n’est tombée plus bas que dans les premières années du XVIIIe siècle. Les quelques auteurs qui écrivent encore en vers, (on ne peut guère les appeler poètes), paraissent dépourvus de tout sentiment, je ne dis pas national, mais naturel. Besser[2] compose, à l’occasion de la mort de sa femme et « le jour même de l’enterrement », une poésie funéraire de neuf pages, et deux autres au nom de ses enfants, dont l’un était encore au berceau. La naissance, la mort ou le mariage des princes sont les sujets ordinaires sur lesquels s’exercent les poètes, résignés à n’être pas lus, si du moins ils étaient payés. Naturellement

  1. Hettner, Geschichte der deutschen Litteratur im XVIIIten Jahrhundert, III, 325-351.
  2. Biedermann, II, 1, 458 sqq.