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à défaut d’idées ou de sentiment, la flagornerie se donnait carrière. On comparait sans sourciller un bon bourgeois au consul Marius, et Frédéric III de Brandebourg à Alexandre.

Bientôt, sous l’influence de l’Angleterre, un léger progrès se manifesta. Certes les Allemands qui imitèrent Pope et Thomson, Brockes de Hamhourg, Frédéric de Hagedorn, n’étaient pas de grands poètes, ni fort originaux ; mais ils valaient toujours mieux que leurs plats devanciers. Tous s’attachent de préférence à des sujets religieux ou philosophiques ; ils sentent d’instinct que ce sont les seuls propres à éveiller l’intérêt de leur public. Ainsi Brockes compose un poème intitulé le Bonheur terrestre en Dieu. Il y fait l’éloge de la Providence d’après Leibniz et Wolff. Drollinger écrit sur l’Immortalité de l’âme, sur la Providence divine. Haller met en vers les meilleurs arguments de la Théodicée de Leibniz. Frédéric de Hagedorn avait passé quatre ans en Angleterre. Il emprunte ses idées à Pope, à Prior, à Addison, au moraliste Shaftesbury, si oublié aujourd’hui, si goûté au siècle dernier[1].

Mais l’influence anglaise pénètre surtout en Allemagne par le moyen de publications périodiques, tenant le milieu entre le journal et la revue, sur le modèle du Spectator d’Addison. Dès 1713 paraît à Hambourg l’Homme raisonnable ; en 1721, Bodmer et Breitinger publient les Discours des peintres. En 1724, de nouveau à Hambourg, le Patriote ; en 1725-1726, Gottsched publie les Critiques raisonnables,

  1. Hettner, III, 340-353.