Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/78

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teurs à se chercher dans un public nouveau des juges non prévenus. Wolff s’excuse d’écrire en allemand, parce que « son livre ne s’adresse pas aux savants seulement, mais aussi aux commençants[1] ». Sa langue est diffuse et sans éclats ; pourtant, comparée à celle de Leibniz et surtout à celle de Thomasius, elle a beaucoup gagné en pureté et en aisance. « J’ai éprouvé, dit Wolff, que notre langue maternelle se prête mieux à la science que la latine, et que l’on peut expliquer en fort bon allemand ce qui sonne en latin de façon horriblement barbare[2]. » De la sorte, les principes et surtout la méthode de Wolff se répandirent dans toute l’Allemagne. « La philosophie de Wolff, écrit Edelmann en 1740, est tellement à la mode, même parmi les femmes, que c’est un engouement, une folie. Dès que deux ou trois personnes sont réunies, on peut être sûr que le dieu Wolff se trouve aussi parmi elles[3]. » Un autre publiait une satire intitulée : Le savetier selon la méthode mathématique, la meilleure, la plus nouvelle et la plus naturelle. La société des Aléthophiles se donna pour mission de propager la doctrine : un article des statuts portait que « les membres n’admettraient rien pour vrai ou pour faux sans raison suffisante ». De semblables sociétés se fondèrent à Weissenfels, à Leipzig, à Stettin, dans la Lusace, et ailleurs encore ; il y en eut même pour les femmes. Gottsched, qui était un pur wolfien, publia des Éléments de philosophie qui furent traduits en français à l’usage des personnes de

  1. Hettner, III, 217-232.
  2. Cité par Julian Schmidt, I, 381.
  3. Hettner, III, 258 sqq.