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Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/79

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qualité. Enfin, pour les lecteurs qui auraient encore redouté les Éléments de Gottsched comme trop abstraits, Formey, professeur au gymnase français de Berlin, écrivit la Belle Wolfienne. Cet ouvrage parut en 1741, un an après le triomphe officiel de Wolff. « La philosophie de Wolff, dit l’auteur dans un Avertissement, fait beaucoup de bruit, surtout en Allemagne, et cependant j’ose avancer qu’elle n’est guère connue. Peu de gens ont le courage de soutenir avec toute l’attention nécessaire la lecture de plusieurs gros volumes écrits suivant la méthode des géomètres. » La belle Wolffienne est une jeune fille très forte en philosophie, qui veut bien convertir un jeune homme à ses principes. Elle commence par ne réclamer pour Wolff aucune originalité, ce qui a dû lui faire un médiocre plaisir. Elle insiste ensuite sur l’excellence de sa méthode, qui mène infailliblement à la vérité. « Elle ennuie d’abord, mais elle satisfait l’esprit. » La belle Wolfienne, par malheur, ne tient que la première de ces deux promesses ; il est vrai qu’elle la tient amplement.

Cette ardeur des disciples, ce zèle à répandre la doctrine dans le peuple par la prédication comme dans la haute société par le roman, s’expliqueraient mal si la philosophie de Wolff avait été purement spéculative. Mais Wolff ne se bornait pas à poursuivre la vérité théorique. Il croyait remplir une mission, et, comme la plupart des philosophes du XVIIIe siècle, il prétendait travailler au bonheur de l’humanité[1]. « Ayant observé en moi-même, dit-il,

  1. Vernünftige Gedancken von Gott, der Welt, und der Seele des Menschen. Halle, 1719.