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la polygamie, dans un livre qui fut brûlé à Stockholm et à Copenhague[1].

Mais Wolff ne plaisante pas sur ce chapitre. Fidèle à ses principes généraux, il suit, ici encore, la méthode rationnelle. Il établit par une démonstration solide les devoirs que le mariage impose, devoirs également stricts pour les deux époux. De même pour les autres obligations de la morale privée : il s’élève contre le luxe et la rage de vivre au-dessus de ses moyens ; il y oppose avec autorité l’esprit d’ordre et d’économie. Les devoirs réciproques des parents et des enfants, des maîtres et des serviteurs, ne sont pas oubliés, Wolff proteste aussi énergiquement, comme le fera plus tard Rousseau, comme l’ont déjà fait le Patriote de Hambourg et ses confrères, contre la répugnance des jeunes femmes à nourrir leurs enfants. Il leur prouve démonstrativement qu’elles sont coupables en se dérobant à ce devoir. Les piétistes mêmes n’avaient pas insisté avec autant de force sur le caractère inviolable de la loi morale. Wolff avait sur eux un grand avantage. Il n’exhortait pas au nom d’une confession religieuse ; il prétendait parler au nom de la science universelle et impersonnelle. Il pouvait ainsi s’adresser à tous, sans distinction de croyance, et il appuyait ses préceptes sur des démonstrations que l’on s’accordait à trouver parfaites.

Sans doute, cette morale eut peu d’action sur les hautes classes de la société, qui s’obstinaient à lire Voltaire et à dédaigner la Belle Wolfienne ; mais elle exerça la plus heureuse influence sur la classe

  1. Biedermann, II, 1.