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Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/82

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moyenne qui commençait alors à se reformer. Wolff, qui lui appartient d’ailleurs par sa naissance et par son éducation, lui fournit le point d’appui qu’elle cherchait. Il conspire, avec les Revues morales dont nous avons parlé, à lui donner confiance en elle-même, en ses mœurs et en son caractère. Lorsque l’on appelle Wolff « l’instituteur de l’Allemagne », il faut donc entendre qu’il en a été aussi le précepteur. Toutefois cette éducation manque par un point : les devoirs civiques y sont complètement oubliés. Le cosmopolitisme propre au XVIIIe siècle domine déjà chez Wolff. Leibniz avait conservé l’idée toujours présente de la patrie commune, et le souci constant des intérêts politiques de l’Allemagne. Wolff n’y songe jamais, et on l’eût fort étonné si on lui en eût fait un reproche. En remplissant ses devoirs envers l’humanité, il croit s’acquitter du même coup, et a fortiori, de ses devoirs envers la patrie : le vrai patriote est citoyen de l’univers. Que la Suède disparaisse du nombre des grandes puissances pendant que la Russie s’y élève ; que l’électorat de Brandebourg devienne le royaume de Prusse ; que l’empereur Charles VI cède définitivement la Lorraine à la France, Wolff ne s’en inquiète guère. Ce ne sont pas là ses affaires. Il a sans doute un certain orgueil national. Il tient à ce que l’Allemagne conserve son rang dans les sciences et dans la philosophie ; il est fier de maintenir, après Leibniz, la gloire du nom allemand à l’étranger. En France, en Angleterre, en Suisse, en Italie, il ne néglige rien de ce qui peut entretenir et étendre sa réputation et son influence. Mais cela lui suffit, et, pourvu que l’Allemagne soit estimée, il