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II


Mais nous sommes encore loin de cette période brillante. Le plus grand nom littéraire du temps est Gottsched[1], et ce nom a vécu surtout par le ridicule. La disproportion est comique, en effet, entre les prétentions de Gottsched et son génie. Il se donna simplement pour tâche de créer de toutes pièces une littérature nationale allemande. L’entreprise, dans sa pensée, ne présentait pas de difficultés extraordinaires. Qu’a-t-il manqué jusqu’ici à l’Allemagne pour égaler les nations voisines, et pour produire comme elles d’excellents ouvrages ? Ce ne sont certes pas les bons esprits, aussi nombreux en Allemagne qu’ailleurs : c’est une bonne méthode. Or cette méthode, Wolff l’a donnée. Il suffit simplement de l’employer à la composition littéraire, comme Wolff l’a appliquée à la démonstration scientifique. De même qu’en suivant exactement les règles de sa méthode, il est arrivé à établir une certitude parfaite dans les sciences, de même, en se conformant sans faute aux règles de la critique, on produira à coup sur de bons ouvrages. Et naïvement Gottsched essaya de joindre l’exemple au précepte. C’est ce qui le perdit. On eût accepté bien plus longtemps sa critique, qui paraissait alors raisonnable, si l’on n’avait vu quelles œuvres déplo-

  1. Voyez sur Gottsched, outre les ouvrages généraux précédemment cités, Gervinus, Geschichte der deutschen Dichtung, IV, 42-45, et Danzel, Gottsched und seine Zeit.