Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/85

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rables elle inspirait. Le Caton mourant, que Gottsched fit représenter avec un grand succès, l’encouragea à écrire d’autres pièces, imitées en général de l’anglais et du français. Madame Gottsched, initiée à la méthode de son mari, ne demeura point en reste avec lui ; les élèves suivirent, et tous se mirent à qui mieux mieux à enrichir le théâtre national allemand. Tout cela était faux et artificiel au possible, et bien loin de valoir l’Arlequin du théâtre de la foire, dont Gottsched rougissait pour l’Allemagne.

Que Gottsched se soit lourdement trompé en s’imaginant que, par l’application judicieuse de quelques recettes, on produisait à volonté une littérature ou un théâtre national, Lessing se chargera bientôt de le lui prouver. Le mobile auquel il obéissait n’en est pas moins intéressant pour nous. Indifférent comme Wolff aux misères politiques de l’Allemagne, Gottsched est plus jaloux encore que lui de sa réputation et de sa gloire littéraire. La puissance militaire de la France, la prospérité commerciale de l’Angleterre, ne l’offusquent pas. Il ne songe pas à envier l’unité politique de ces deux pays, ni à regretter les avantages qui en découlent et dont l’Allemagne est privée ; mais en revanche la moindre piqûre littéraire est douloureuse à son amour-propre d’Allemand. Comme Leibniz, il défend la langue allemande contre les attaques injustes des étrangers et contre le mépris plus injuste encore des princes et des nobles ; il n’admet pas qu’aucune autre langue européenne lui soit supérieure. En 1734, il publie une brochure intitulée : De l’injustice des étrangers dans le jugement qu’ils portent sur nos savants.