Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/86

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« Les savants allemands, dit Gottsched[1], ont le plus grand respect pour tout ce qui est étranger, et l’étranger ne leur rend pas la pareille. Leibniz, par exemple, a été traité par Locke bien légèrement. J’ai toujours trouvé déplorables la défiance excessive que notre nation a de ses propres forces, et l’admiration avec laquelle nous recevons tout ce qui vient du dehors. Ces sentiments sont d’autant plus regrettables que notre Allemagne a produit dans tous les genres des grands hommes dont nous pourrions nous enorgueillir à juste titre, et il faut être étranger dans sa propre patrie pour ignorer jusqu’au nom de ces citoyens si illustres. » Ceci à l’adresse des princes et de leurs courtisans qui, ne parlant guère que français, ignoraient jusqu’au nom des écrivains allemands.

C’est le même sentiment d’amour-propre national qui pousse Gottsched à publier son Répertoire pour l’histoire du théâtre allemand ou catalogue de toutes les comédies, tragédies et opéras écrits en allemand de 1450 à 1750[2]. Gottsched avait remarqué l’histoire du théâtre italien publiée en 1730 par Louis Riccoboni, et qui contenait 1500 titres de pièces. Des répertoires du même genre avaient paru en Hollande, en Espagne, en France. « Pourquoi, se dit Gottsched, l’Allemagne ne mettrait-elle pas aussi au jour ses propres richesses dramatiques, qu’elle ignore ? » Mais ce qui le décida à entreprendre ce tra-

  1. Gottsched, Iniquitatem exterorum in ferendo de eruditis nostratibus judicio, etc., brochure publiée chez Bretkopf, à Leipzig, 1734.
  2. Nothiger Vorrath zur Geschichte der deutschen dramatischen Dichtkunst. Leipzig, 1757.