Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/90

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Ce fut le baron Adolphe de Münchhausen qui le sauva. Münchhausen, grand seigneur hanovrien et l’un des esprits les plus éclairés du temps en Allemagne, ne partageait point l’engouement général pour la langue et la littérature françaises. Il avait un goût très vif pour les écrivains allemands : il leur témoignait une sympathie à laquelle ils n’étaient pas accoutumés, et les encourageait au besoin. Persuadé que l’Allemagne entrait dans une période de progrès, il pensait que rien n’y aiderait mieux qu’une réforme libérale du haut enseignement[1]. Extirper les abus enracinés dans les vieilles universités, il ne fallait pas y songer ; mais on pouvait en préserver une université nouvelle, qui servirait désormais de modèle aux autres. C’est pourquoi Münchhausen voulut à toute force que l’université de Göttingen se fondât. Il comprit qu’en dépit de tous les obstacles, les étudiants y viendraient, s’ils y trouvaient les meilleurs maîtres. Il s’agissait donc d’attirer ces derniers. Münchhausen eut recours aux deux moyens les plus efficaces : il leur offrit un traitement plus élevé et un peu plus de liberté qu’ailleurs. Presque partout les professeurs recevaient des appointements si faibles qu’ils n’auraient pu vivre sans la rétribution que chaque étudiant payait en s’inscrivant à leurs cours. Ils demeuraient ainsi dans la dépendance des étudiants, qui le savaient et qui en abusaient. Pour ne pas voir leur cours déserté, pour échapper à la misère, il leur fallait fermer les yeux à tous les abus, descendre à toutes les complaisances et mériter ainsi

  1. Rossler, p. 14.