Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/94

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ménagements qu’elle demande. Plus tard on les abandonne à un précepteur ou à une gouvernante qui ne valaient pas cher en général, et que l’on payait, en effet, fort peu[1]. « On ne voulait pas, dit Mme Gottsched, dépenser plus de 40 thalers (par an) pour un précepteur, et encore fallait-il qu’il tînt par-dessus le marché les comptes de la maison. » Pour comble, la maison paternelle ne mettait guère que de mauvais exemples sous les yeux des enfants. Peu à peu l’insistance des Revues morales, qui ne tarissent point sur ce sujet, la morale de Wolff, les ouvrages de Locke et de Fénelon traduits en allemand, amenèrent un changement favorable. Comptez combien d’hommes distingués par le caractère comme par le talent, dans la seconde moitié du siècle, sont sortis de la petite bourgeoisie ou de familles ecclésiastiques. Presque tous ont rendu témoignage de l’excellente éducation qu’ils avaient reçue dans la maison paternelle. Kant raconte « qu’il n’a jamais vu rien faire de mal dans la maison de ses parents ». Lessing a toujours conservé pour son père les sentiments de la reconnaissance et de l’admiration la plus vive.

Ainsi se reformait peu à peu une classe moyenne qui se caractérise nettement par contraste avec la classe supérieure. La noblesse reste attachée en général à la langue française ; elle recherche le luxe, le bon goût, l’élégance. Elle ignore ou dédaigne tout ce qui est allemand, elle donne aussi dans l’incrédulité. Au contraire, la bourgeoisie qui se forme à l’école des Revues morales et de Wolff

  1. Biedermann, II, 1, 537-547 sqq.