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I


Frédéric commença commença par s’enthousiasmer pour le système de Wolff, qui faisait alors fureur en Allemagne. Le comte de Manteuffel, ami personnel de Wolff, et von Suhm, ancien ambassadeur de Saxe à Berlin, avaient entrepris d’expliquer au prince royal de Prusse les lourdes déductions du philosophe (1736). Von Suhm lui en traduisait en français le principal ouvrage de métaphysique, paragraphe par paragraphe. Frédéric se laissa séduire pour un temps par cette scolastique. Peut-être la goûtait-il d’autant plus, parce que Wolff avait été brutalement chassé de sa chaire par le roi-sergent. Néanmoins son admiration paraît sincère. « J’aperçois qu’il est possible que j’aie une âme, et même qu’elle soit immortelle. » Il emporte son livre dans un voyage d’inspection qu’il fait dans la Prusse orientale et, malgré ses occupations militaires, il ne le perd pas de vue un seul jour[1]. « Plus je le lis, plus mon contentement augmente. Tout ce qui était auparavant confus et incompréhensible, Wolff le rend clair et raisonnable… C’est un livre que tout homme devrait lire, pour apprendre comment on doit user de sa raison et observer la liaison des idées dans la recherche de la vérité. » Les lettres du prince royal à Voltaire témoignent plus d’une fois de cet enthousiasme juvénile ; il explique que

  1. Cité par Oncken, Das Zeitalter Friedrichs des Grossen, I, p. 264.