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Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/99

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Wolff s’est exposé à la persécution pour avoir porté la lumière dans la métaphysique. Un moment même, les wolfiens conçurent le projet surprenant de gagner Voltaire et Mme du Châtelet à leur doctrine. On la mit en français à leur usage, et le traducteur, un peu naïf, fut un certain temps à s’apercevoir qu’il y perdait sa peine. Frédéric persistait cependant à admirer Wolff. « Les philosophes comme vous, lui écrivait-il, enseignent ce qui doit être, et les rois ne sont là que pour exécuter ce que vous avez conçu. » Il composait des odes sur la Bonté de Dieu, sur l’Amour de Dieu, tout inspirées de l’optimisme wolfien ; il écrivait l’Anti-Machiavel. Toutefois l’homme d’action commençait à percer. Frédéric-Guillaume Ier laissait traîner, par faiblesse et par indécision, l’affaire de Clèves et de Juliers ; son fils, qui la suivait de près, ne cache pas son mécontentement[1]. « Que Dieu conserve mon père le plus longtemps possible ! mais on verra, quand je serai roi, que je ne suis pas homme à sacrifier les intérêts de la Prusse à ceux des autres puissances… On pourra plutôt, je le crains, me reprocher trop de hardiesse et d’audace… La Providence a peut-être voulu que mon père fît tous les préparatifs nécessaires pour la guerre, et que je vinsse pour les employer. » On sait si l’effet a suivi les paroles. Aussitôt roi, Frédéric écrit à Voltaire qu’il a augmenté l’armée de 16 bataillons, de 5 escadrons de hussards et d’un escadron de gardes du corps, — et qu’il a rappelé Wolff.

Le triomphe de Wolff, solennellement réinstallé

  1. Lettre du 9 nov. 1737.