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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/114

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partie de l’Afrique en sont persuadés, et c’est l’origine de complications dont le Dr Pechuël-Loesche nous donne une idée. « Nous ne pouvons guère mettre en doute qu’il y a effectivement des personnes qui se tiennent pour des sorciers au pire sens du mot, et qui même en font publiquement l’aveu. Un sentiment haineux à l’égard de quelqu’un ne suffit-il pas pour lui nuire, pour le tuer ? La volonté mauvaise a le même effet que l’action mauvaise. Elle agit comme les rayons du soleil chauffent, comme le vent rafraîchit… »

Si le désir de voir mourir quelqu’un équivaut ainsi, dans toute la force du terme, à le tuer, c’est que, comme au mauvais œil, comme au principe malin logé chez les êtres anormaux et chez les sorciers, il lui suffit de sa seule vertu mystique pour atteindre son but.

(M. P., pages 395-396.)

Principe nuisible dans le corps du sorcier.

Chez les Azande, sous un certain aspect, le principe nocif, la « puissance occulte » qui fait le sorcier est une excroissance du corps, dont on peut rechercher la présence à l’autopsie. Sous un autre, c’est une disposition de la personne qui exerce une mauvaise influence ensorcelante envie, jalousie, convoitise, mauvais vouloir, colère, ressentiment, rancune, etc. Nous comprenons mieux maintenant pourquoi les primitifs ont si peur de susciter chez ceux qui les entourent de la colère ou des dispositions hostiles, par exemple, par un refus. Ils craignent de provoquer un ensorcellement. Et de même que les dispositions ne sont pas représentées comme des états subjectifs, comme quelque chose de proprement psychique, mais comme semi-physiques, et peuvent être modifiées indépendamment du sujet qu’on en fait responsable, de même le principe nocif qui habite chez le sorcier, puissance du même ordre que ces dispositions, n’est représenté non plus ni comme matériel, ni comme immatériel. Il participe des deux.

Ces vues trouvent une confirmation singulière dans l’observation suivante, due à l’abbé Walker, indigène converti du Gabon : « Cette pratique de l’autopsie, écrit-il, tombée en désuétude à Libreville et chez les peuplades de la côte,