Aller au contenu

Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Qu’est-ce qu’un sorcier ?

« Qu’est-ce qu’un sorcier, demandait Bentley aux indigènes du Congo, et comment accomplit-il ses crimes ? Nous posions souvent cette question. Et toujours on nous répondait aussitôt « Comment le saurais-je ? Je ne suis pas sorcier. Il faudrait en être un soi-même pour le savoir[1]. » Le sens du mot n’était que trop clair pour eux, qui en faisaient usage tous les jours. Mais ils ne pouvaient l’exprimer dans une formule qui le rendît intelligible au blanc. Peut-être ne s’en souciaient-ils pas : c’eût été trop dangereux.

(S. N., page 179.)

Signes qui révèlent le sorcier.

Il y a des signes qui ne trompent guère par exemple, si quelqu’un est rencontré seul, la nuit, près des habitations. Qui n’a pas de mauvaises intentions ne se trouve pas seul la nuit hors de sa case. Si cependant un des hommes est obligé de sortir, d’autres l’accompagnent, chacun portant une torche. Autrement, on croira qu’il cherche à se glisser dans une case, sans doute pour en tuer les habitants, ou qu’il est prêt à se transformer en tigre, en léopard, en loup, etc. pour les déchirer quand ils sortiront de chez eux.

Devient également suspect celui qui refuse de prendre part aux cérémonies et aux sacrifices. Son attitude va déplaire aux puissances invisibles, et particulièrement aux ancêtres, les irriter, et ainsi porter malheur au groupe social. Il a donc agi en sorcier. « Il sera évité par ses amis et ses voisins, comme une personne suspecte qui a mis sa confiance dans les pratiques et les pouvoirs de la sorcellerie ; sinon, il ne se serait pas rendu coupable de ce crime si odieux (le refus de se joindre aux autres dans les cérémonies). Et, si un malheur tombe sur le kraal, et que l’on ait alors recours à un prêtre pour accomplir la cérémonie de l’umhlalo (dépister le sorcier par le flair), cette personne suspecte sera désignée par lui comme la cause du malheur, et punie par le châtiment qu’on inflige aux sorciers[2]. »

  1. W. H. Bentley, Pioneering on the Congo, I, p. 274.
  2. Col. Mac Lean, A compendium of Kafir laws and customs, p. 106.