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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/127

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tifs, que la maladie grave, comme la mort, n’est jamais naturelle, et qu’elle a toujours une cause mystique, rien n’est plus fréquent que ces duels. Le devin ou le medicine-man fait son diagnostic ; il déclare que le malade est victime, non pas de la colère d’un ancêtre irrité, mais de la malignité d’un sorcier. Un ennemi a dû opérer magiquement sur quelqu’une de ses appartenances, ou bien introduire dans son corps un fragment d’os, un insecte, une « mauvaise influence matérialisée »… En ce cas, la seule thérapeutique efficace consiste à pratiquer les opérations inverses de celles-là. Le docteur que la famille du malade a appelé possède, en général, un pouvoir magique égal ou supérieur à celui du sorcier. Il extrait donc du corps, le plus souvent par succion, le petit caillou ou l’insecte, véhicule de la mauvaise influence ; il sait retrouver l’ « âme » dérobée au malade, et la réintroduire dans son corps, déterrer les appartenances sur lesquelles on a opéré, etc. Bref, il est capable de « défaire » ce qu’le sorcier a fait. À cette condition, — nécessaire, mais suffisante, — son client est soustrait à la mauvaise influence qui allait lui ôter la vie. Il est désensorcelé, c’est-à-dire guéri. Il se porte désormais aussi bien que s’il n’avait jamais été malade.

(S. N., pages 484-485.)

Chez les Shilluk (Soudan anglo-égyptien), « à chaque manœuvre déterminée des mauvais medicine-men, les bons ont une riposte déterminée. Le sorcier fait avec de la boue une image de l’homme qu’il veut tuer. Il plante des clous dans les oreilles de cette image, et il la place dans le feu. La victime mourra, ou deviendra folle. Le bon medicine-man qui vient au secours de cet homme en fait à son tour une image. On la met dans l’eau, et l’on neutralise ainsi la chaleur qui consume l’autre[1]. »

(S. N., page 499.)
  1. Rev. D. S. Oyler, The Shilluk’s belief in the evil eye. Sudan notes and records, II, p. 133 (1919).