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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/129

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CHAPITRE VI

BONHEUR ET MALHEUR

Objets porte-bonheur.

Si, avec certains filets, on a fait une pêche exceptionnellement abondante, si une flèche a atteint son but plusieurs fois de suite, si, en se servant d’un outil, on a particulièrement réussi à fabriquer un objet, etc., ces filets, cette flèche, cet outil sont « heureux ». On leur témoignera des égards, on en aura grand soin. On les conservera précieusement afin de les employer encore dans l’avenir, dans la pensée qu’ils ne cesseront pas d’être heureux et que l’on profitera de leur bonheur.

De ces objets qui portent bonheur parce qu’ils sont eux-mêmes « heureux », aux amulettes, charmes et talismans qui doivent remplir le même office, la transition est insensible. S’il s’agit d’une arme ou d’un instrument, on s’en servira le plus possible, et même exclusivement, et quand il menacera d’être hors de service, on tâchera d’en faire passer la vertu mystique dans un autre semblable. Si l’objet n’a pas d’usage connu, on le gardera, on l’honorera simplement pour la bonne fortune qu’il promet et assure. Il fera partie de la classe innombrable des porte-bonheur.

(S. N., pages 22-24.)