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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/133

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si la chance ou la malchance du chien ne se dément pas, alors souvent on le tue, surtout si un cas de mort est attribué à son influence[1]. » Il est évident en effet que c’est un animal sorcier. Si on le laissait vivre, il arriverait malheur sur malheur chez son maître, et dans le village.

(S. N., pages 13-14.)

Temps fastes et temps néfastes.

Chez ces mêmes Indonésiens (Célèbes) et presque partout chez les primitifs, on ne se contente pas des présages favorables : il faut encore que le mois, le jour et l’heure où l’on commence une entreprise soient heureux, ou « fastes ». On sait que la mentalité primitive ne « sent » pas les moments successifs du temps comme homogènes. Certaines périodes du jour et de la nuit, de la lunaison, de l’année, etc., ont la propriété d’exercer une influence favorable ou pernicieuse. Sous peine de s’exposer au malheur, il faut en tenir autant de compte que des présages. Hardeland a noté les croyances des Dayaks à ce sujet. « Chaque jour a cinq « temps », qui ne sont fixes que pour le premier jour (le dimanche) ; pour les autres, il faut recourir à la divination afin de les déterminer. Les « temps » du dimanche sont :

1o Le lever du soleil, favorable pour commencer une opération. Les enfants nés à cette heure-là sont heureux. Mais il ne faut pas, à ce moment, partir à la chasse, à la pêche ou en voyage. On n’aurait aucun succès.

2o Vers neuf heures du matin : moment malheureux. Rien de ce que l’on commence alors ne réussit. Cependant, si l’on se met en route, on n’a pas à craindre les brigands.

3o Midi : « temps » très heureux.

4o Trois heures après-midi : moment de la bataille, heureux pour les ennemis, les brigands, les chasseurs, les pêcheurs, malheureux pour les voyageurs.

5o Vers le coucher du soleil : petit « temps » heureux[2]. »

Presque partout on distingue de même entre les jours. Certains sont fastes, d’autres néfastes. Les entreprises commencées un jour néfaste sont condamnées à l’échec et portent

  1. A. C. Kruyt, Measa, III, T. L. V., LXXVI, p. 67 (1920).
  2. A. Hardeland, Dajacksch-Deutsches Wörterbuch, p. 410 (1859).