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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/136

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La vie conjugale.

L’état de mariage est, au premier chef, quelque chose de nouveau pour les époux. Non pas toujours, sans doute, en ce qui concerne les relations sexuelles. Le plus souvent, dans les sociétés primitives, ni le mari, ni la femme n’ont plus, depuis longtemps, rien à apprendre sur ce chapitre. Ils ont, en général, joui de la plus grande liberté, et ils en ont usé l’un et l’autre. Souvent, ils ont passé des nuits ensemble, et le mariage ne fait que rendre leur union définitive et publique. Mais, sous un autre aspect, c’est le commencement d’une nouvelle période de leur vie, un changement profond de leurs conditions d’existence. Dans certaines sociétés, le mari va habiter chez les parents de sa femme ; dans d’autres, la femme vient demeurer chez ceux de son mari. Ailleurs, ils ont tout de suite leur domicile à eux : l’homme a construit une case pour sa jeune femme, ou bien ils vivent dans un « appartement » de la maison commune du groupe. Le mari ne couche plus dans la maison des hommes, et il mange désormais la nourriture que sa femme lui prépare. Souvent même, c’est elle qui la lui procure, en grande partie, si elle cultive une plantation, tandis que l’homme va de temps en temps à la chasse ou à la pêche.

Si donc tout ce qui est nouveau comporte un danger, et si l’on ne doit s’y risquer qu’avec des précautions fixées par l’usage, le commencement de la vie conjugale ne fait sans doute pas exception à cette règle. Rien de surprenant, par conséquent, si, comme il arrive pour les prémices des fruits et des récoltes, certains délais, certains tabous sont jugés indispensables. En fait, dans un nombre très considérable de sociétés, la coutume défend que les époux vivent en gens mariés tout de suite après la conclusion du mariage. Un délai est nécessaire : il peut varier de quelques jours à plusieurs mois. S’il n’était pas observé, les époux, en particulier le mari, qui généralement est seul mentionné, tomberaient sous une mauvaise influence, et seraient en imminence de malheur.

Dans la tribu Oromo-Komoro, « la première nuit, tous les hommes et les femmes du village dansent ensemble. Le visage de la mariée est peint en blanc d’un côté et en rouge