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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/137

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de l’autre ; son front est peint en noir. Après que la danse et le festin ont duré quelque temps, la femme est livrée à l’oncle du marié, et ils ont des relations sexuelles. On pense que si l’on permettait au mari d’être le premier à en avoir avec elle, il mourrait peu de temps après les noces. On croit aussi que, de cette façon, on empêche la jeune femme de devenir malade et faible[1]. »

(S. N., pages 468-469 et 471.)

La mauvaise mort.

Dans nombre de sociétés, ceux qui ont cessé de vivre d’une certaine façon, — par mort violente, en général, — sont l’objet d’un traitement particulier. On ne leur rend pas les mêmes honneurs qu’aux autres. On se débarrasse du cadavre en hâte, et le nouveau mort semble exclu du groupe social, auquel il devrait encore appartenir sous la forme que comporte sa nouvelle condition. On agit envers lui comme envers ceux qui sont pour le groupe une souillure et un danger ; on le rejette, comme on fait pour les enfants anormaux, pour ceux qui portent en eux-mêmes, à leur insu, un principe malfaisant, pour les sorciers. C’est qu’en effet il a fini par une « mauvaise mort », c’est-à-dire, non par une mort non naturelle, — aucune ou presque aucune n’est naturelle, au sens que nous donnons à ce mot, — mais une mort révélatrice du courroux des puissances invisibles. Il a été frappé par elles sous peine de partager son sort, il faut s’écarter de lui, et rompre toute participation entre lui et le groupe social.

(M. P., page 310.)

Même traitement pour les victimes de la foudre. Ne pas les exclure du groupe social, aussi vite que possible, ce serait s’exposer à être frappé aussi. Un homme a été tué par la foudre. « Où est-il ? Il est là-bas, à l’endroit où il est tombé. Un homme comme cela, on ne le rapporte pas au village. » Je descends vers la grande route. Dans un creux,

  1. Annual Report. Papua, 1914, p. 181.