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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/142

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de ce qui arrivera. Il promet, il garantit le succès et la victoire. Si le Huron ne parvient pas à apercevoir en rêve une troupe d’orignaux ou de cerfs, c’est que, malgré son jeûne, l’essence mystique de ces animaux lui reste hostile. Dès lors, à quoi bon chasser ? Il n’en rencontrera pas. Ils demeureront invisibles, ou, s’ils se laissent voir, ils ne se laisseront pas atteindre. S’ils apparaissent au contraire à l’Indien pendant son sommeil, ce rêve garantit que l’essence mystique des animaux s’est laissé fléchir, et que la chasse sera heureuse. Fort de ce consentement, il se met en quête.

(M. P., pages 173-174.)

Pour provoquer le rêve, les Indiens, le plus souvent, recourent au jeûne. « Ils (les Hurons) estiment que le jeûne leur rend la vue perçante à merveille, et leur donne des yeux capables de voir les choses absentes et les plus éloignées[1]. » Il y a des rêves qui ne signifient rien, et sur la foi desquels on ne se risquera pas. Le rêve qui se produit à la suite du jeûne a une valeur mystique. Il est nécessairement véridique, il est, à proprement parler, une vision. En cet état, l’Indien « voit » les êtres et les objets du monde invisible. Il entend ces êtres et il s’entretient avec eux. Le jeûne l’a rendu capable de recevoir ces visions. Il a une vertu purificatrice : il faut passer, selon l’expression de MM. Hubert et Mauss, de la région du profane à celle du sacré. Il exerce même une action sur les êtres du monde invisible.

(M. P., pages 177-178.)

Divination par les morts.

Dans les sociétés primitives où la mort n’est jamais, ou presque jamais, « naturelle », la famille du défunt à besoin de savoir qui est l’auteur responsable du maléfice dont il a été victime. Nul ne le sait mieux que cette victime elle-même, nul ne le révélera plus sûrement. En lui posant la question, les survivants atteignent deux fins à la fois. Ils

  1. Relations des Jésuites, X (1636), p. 188 (Le Jeune).