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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/146

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quelque autre méfait, cette personne apparaît au shaman, selon sa propre expression, « couverte d’obscurité[1]. »

(M. P., pages 240-241.)

Les directions de l’espace et la divination.

Souvent aussi, au lieu de révéler le nom d’un coupable, la divination fait connaître dans quelle direction on doit le chercher, de quel côté il faut aller pour retrouver un objet perdu, etc. En Afrique du Sud, « les Cafres se servent de la mante religieuse pour la divination. Si du bétail s’est échappé, s’ils ont besoin d’un docteur, etc., ils prennent une de ces bestioles sur un brin d’herbe, et ils la mettent n’importe où. L’insecte se cherche une autre retraite, et la direction indiquée alors par sa tête est celle où l’on trouvera le bétail disparu, le docteur dont on a besoin, etc.[2]. » De même, chez leurs voisins les Hottentots, une boîte est un instrument de divination. On trempe une mèche de fil dans la graisse, et on allume le bout, qui émerge de la boîte fermée on la tient alors contre le vent. La direction dans laquelle part la fumée indique au Hottentot embarrassé où il doit chercher son bétail qui s’est échappé, ou un compagnon de route qui s’est perdu[3]. Dans ces faits, si connus qu’il est inutile d’en rapporter davantage, tout se passe comme si les directions possibles étaient énumérées à tour de rôle, de même que les noms tout à l’heure. Mais précisément, à cet appel des noms, il y avait, du moins à l’origine, une raison mystique n’y en aurait-il pas une aussi à la recherche des directions ?

Aux yeux du primitif, il n’y a pas de hasard. Si donc la mante religieuse, ou la fumée, prend telle direction de préférence à toute autre, cette sorte de choix est une révélation, c’est-à-dire la réponse à la question posée, pourvu qu’elle l’ait été dans les termes magiques qui conviennent.

(M. P., pages 230-231.)
  1. R. B. Dixon, « The Shasta ». Bulletin of the American Museum of natural history, XVII, pp. 488-489.
  2. Fr. Aegidius Muller, Wahrsagerei bei den Kaffern. Anthropos, I, p. 778.
  3. L. Schultze, Aus Namaland und Kalahari, p. 226.