Aller au contenu

Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Causes d’impureté.

Classer, ou seulement énumérer les circonstances où un homme peut tomber dans un état d’impureté, on ne peut guère y songer. Il y en a autant que de mauvaises influences pouvant s’exercer sur lui : le nombre en est indéfini. Jamais sans doute un primitif ne s’est préoccupé d’en embrasser l’ensemble, et de les réunir ainsi sous son regard. Il vit dans la crainte de se voir assailli par l’une ou l’autre d’entre elles, et il se protège de son mieux par le moyen de ses charmes, amulettes, talismans, etc. Mais il sait « qu’on ne pense pas à tout », et que la souillure et le malheur peuvent à chaque instant fondre sur lui du côté où il ne les attend pas.

Résigné à être très incomplet, je me bornerai donc à considérer les formes d’impureté les plus fréquentes et les plus graves, celles que les primitifs eux-mêmes, dans la plupart des sociétés, jugent le plus nécessaire de combattre et d’écarter. En voici, par exemple, une liste dressée par Lichtenstein, un des premiers observateurs qui aient vécu chez les Cafres. « Tous les enfants sont impurs, jusqu’au moment où ils sont admis au nombre des adultes (ce qui a lieu, pour les garçons, par la célébration des nombreux rites qui accompagnent la circoncision) ; toutes les femmes en couches, durant le premier mois après l’accouchement ; toutes les femmes pendant leurs règles ; tous les veufs, pendant quinze jours après la mort de leur femme ; toutes les veuves, pendant un mois après la mort de leur mari ; une mère qui a perdu un petit enfant, pendant deux jours ; toutes les personnes qui ont assisté à un décès ; les hommes à leur retour de la bataille, etc. Quand une personne est ainsi impure, nul ne peut avoir de commerce avec elle, jusqu’à ce qu’elle se soit lavée, se soit enduit de nouveau le corps avec un produit coloré, et se soit rincé la bouche avec du lait : ce qu’il ne lui est permis de faire qu’au bout d’un certain temps, fixé d’un commun accord pour chaque cas ; et jusqu’à ce que le délai soit expiré, elle doit s’abstenir de se laver, de s’enduire de couleur, et de boire du lait[1]. »

  1. H. Lichtenstein, Reisen im Süd-Afrika, I, pp. 417-418.