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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/154

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ligne médiane. Le mari non plus ne le fait pas, car il pourrait marcher sur une goutte de ce sang néfaste[1]. »

À cette séparation s’ajoute la défense faite à la femme de se servir des mêmes ustensiles que les autres, et de toucher à quoi que ce soit qui leur appartienne. Leurs appartenances, c’est eux-mêmes. Si elle y touche, c’est comme si elle les touchait en personne, et les mêmes conséquences funestes s’ensuivront.

(S. N., pages 380-382.)

« Les vieilles femmes sont appelées hommes, et ne se conduisent plus en femmes. Elles n’observent plus à l’égard des hommes la coutume du hlonipa (par exemple la belle-mère n’a plus à éviter son gendre[2]). »

Si l’on ne craint plus leur présence, ni leur influence sur les animaux, les plantes les objets, les entreprises, les cérémonies, etc., c’est qu’on les considère comme désormais asexuées. Elles ont perdu la propriété caractéristique qu’elles possèdent de la puberté à la ménopause, et qui est la raison de tant de tabous auxquels elles sont alors assujetties.

La première période de la vie de la femme jouit des mêmes avantages que la dernière. La petite fille va librement partout. Comme le petit garçon, elle est exempte de certains tabous de nourriture imposés aux adultes. On lui demande nombre de menus services que, pour la raison indiquée tout à l’heure, les femmes faites ne peuvent pas rendre. Mais, au moment où la puberté apparaît, tout change. Les jeunes filles, devenant adultes et nubiles, passent par une initiation plus ou moins longue et compliquée, qu’il n’est pas de notre objet d’étudier. Nous n’en retenons ici que l’état critique d’impureté où la perte de sang les place, la mauvaise influence qui, de ce fait, émane d’elles, et les mesures que l’on prend pour les protéger, elles et leur entourage, contre les malheurs qui peuvent en résulter. Isolement, réclusion, nombreux et rigoureux tabous : la jeune fille qui devient pubère est traitée précisément comme la personne en grand deuil, ou comme

  1. H.-A. Junod, Conceptions physiologiques des Bantous Sud-Africains. Revue d’Ethnographie et de Sociologie, 1910, pp. 137-138.
  2. H. Callaway, The religious system of the Amazulu, p. 440, et note 23, même page.