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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/168

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La femme est « très coupable », et rien ne devra la soustraire au châtiment, qui seul rétablira les conditions normales, et sauvera ainsi la tribu. Quand la solidarité sociale est telle, qu’un membre du groupe peut mettre les autres dans l’impossibilité de vivre, en provoquant un désordre de la nature, aucun crime ne saurait être plus grave que la violation des interdits, qui rompt les participations d’où dépend le bienêtre de tous.

(M. P., pages 299-300.)

Purifications.

« En certaines circonstances… les Herero sacrifiaient un bœuf appelé ojomaze, « celui de la graisse ». La graisse de ce bœuf était gardée par le chef dans une boîte spéciale. Elle servait à purifier et à désensorceler ; par exemple, quand des gens revenaient d’un voyage dangereux, ou bien quand ils avaient contracté une souillure à l’enterrement d’un mort, etc. Alors le chef oignait de cette graisse la poitrine et les bras de la personne à purifier[1]. »

Ainsi la même opération « purifie » et « désensorcelle ». Dans un cas comme dans l’autre, elle a pour but et pour effet de mettre celui qui la subit à l’abri du malheur, que la souillure ou l’ensorcellement attirait sur lui. Rien ne saurait mieux nous faire entendre ce que signifie « souillure, impureté » pour les primitifs, du moins dans un grand nombre de cas, dans ceux qui ont le plus d’importance à leurs yeux. Devenir impur, contracter une souillure, c’est subir une influence qui met « en imminence de malheur ». Être purifié, lavé de cette souillure, c’est échapper à cette influence, c’est sortir de la situation dangereuse où l’on a été mis.

Dès lors, on voit pourquoi il n’y a pas lieu, quant à l’effet produit, de distinguer entre « souillure » et « ensorcellement ». L’action exercée par le sorcier sur la victime consiste précisément à lui porter malheur. Or quel est l’effet de la souillure, sinon de porter malheur ? Il est donc naturel qu’une même opération, chez les Herero, chez beaucoup d’autres Bantou, et même dans bien d’autres sociétés, serve soit à purifier,

  1. J. Irle, Die Religion der Herero, p. 359.