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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/173

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disparaître la souillure, comme les cris des femmes qui imitent les oiseaux d’eau font venir la pluie.

(S. N., pages 447-448.)

Effets bienfaisants de la confession.

Dans les sociétés où les « procès » de sorcellerie sont en usage, on veut à tout prix faire avouer les malheureux accusés et, d’ordinaire, on les torture jusqu’à ce qu’ils s’y décident ou qu’ils meurent. A-t-on besoin de ces aveux pour être sûr qu’on ne s’est pas trompé ? — Certainement non. On est à cent lieues de tels scrupules. L’énormité de l’accusation dispense de chercher des preuves. D’ailleurs, l’ordalie est infaillible. Personne n’aurait l’idée d’en demander une confirmation.

D’où vient donc cette obstination à arracher des aveux dont on pourrait si bien se passer, s’il ne s’agissait que de savoir qui est le coupable ? — C’est que le motif auquel on obéit est tout autre. On est persuadé que la confession, dont on veut absolument s’assurer, du fait qu’elle a lieu, produit certains effets. Entre l’auteur de l’acte qui a causé la souillure et l’acte lui-même, on se représente, on sent une liaison mystique, une participation semblable à celle qui unit un être vivant à ses appartenances. Tant que l’auteur de l’acte garde le secret, celui-ci est comme un être sorti de lui, qui vit d’une vie propre et qui engendre à son tour de funestes conséquences. L’homme en est responsable : il est le complice tacite du mal qui se propage ainsi. S’il parle, au contraire, s’il se reconnaît publiquement l’auteur de l’acte, il lui retire la vie qu’il lui communiquait. Il lui ôte la force de nuire. Selon l’expression du shaman eskimo, il lui « enlève son aiguillon ». Les conséquences sont arrêtées net. C’est ce que les Indonésiens appellent « neutraliser » une mauvaise influence.

On comprend maintenant pourquoi il faut absolument obtenir les aveux du sorcier. Ils équivalent à un désensorcellement.

(S. N., pages 452-453.)