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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/180

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qui montrent le groupe social presque aussi soucieux de la personne de son roi que la ruche d’abeilles l’est de sa reine. Le salut du groupe dépend du salut du roi.

(F. M., pages 291-292.)

Représentations dramatiques.

Elles (ces cérémonies) comprennent presque toujours, en Australie, en Nouvelle-Guinée, ailleurs encore, des sortes de représentations dramatiques. Des acteurs sont désignés (d’après les clans spécialement intéressés à chaque épisode de la cérémonie), chacun chargé d’un rôle qui a été soigneusement appris et répété. Le rythme des danses est marqué par les femmes, qui battent des mains ou se frappent les cuisses en cadence, souvent aussi par des tambours. Le public enfin, qui suit avec passion les scènes dont il connaît d’avance les péripéties, se compose du reste de la tribu, et des tribus voisines, s’il en est venu d’invitées.

On a souvent décrit — Catlin et Maximilien de Neuwied, — par exemple les danses que les Indiens des plaines de l’Amérique du Nord exécutaient avant de partir pour la chasse au bison. Ils en représentaient, ils en « jouaient » les incidents. Un d’entre eux, couvert d’une peau de bison, imitait les mouvements de l’animal au pâturage ; d’autres, les chasseurs, s’approchaient de lui avec d’infinies précautions, l’attaquaient à l’improviste, etc. Mais il ne faut pas s’arrêter à cette pantomime. Ce n’est là que la cérémonie vue du dehors. Elle a aussi un sens symbolique profond. Elle est, en réalité, tout autre chose qu’un jeu. Dans la pensée des Indiens, elle agit mystiquement sur les dispositions des bisons ; son efficacité est telle qu’ils se laisseront voir, approcher et tuer.

Le plus souvent, la fin poursuivie n’est pas unique. En imitant ce qu’ont fait, en certaines circonstances, les ancêtres mythiques, en reproduisant leurs gestes et leurs actes, on communie avec eux, et l’on participe réellement à leur essence. En même temps, on introduit les novices, la jeune génération qui va s’agréger aux précédentes, dans le secret des usages sacrés d’où dépend périodiquement le bien-être et le salut du groupe. Du même coup encore, on réussit, par