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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/189

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atteignent une longueur de 50 à 80 centimètres et alors ils soulèvent le sol[1]. »

Formules pour faire fuir une maladie :

Le perroquet s’est envolé,
Le coucou s’est envolé,
La caille s’est envolée,
La maladie s’est envolée…

« Tout en prononçant ces formules, le medicine-man fait doucement des passes sur le malade. Le nombre, les noms des oiseaux, leur ordre dans l’énumération ne sont pas toujours les mêmes ; il les choisit à son gré[2]. »

Le procédé est ici réduit à ce qui est strictement essentiel. Il peut néanmoins produire l’effet désiré, puisque les mots prononcés à haute voix ou chantés sont des forces, surtout quand il s’agit de formules magiques, et qu’elles sont récitées par un medicine-man qui y infuse son propre pouvoir. Dès lors ces formules agissent précisément comme les opérations des faiseurs de pluie. C’est un mélange, rebelle à l’analyse, de suggestion, de contrainte, et d’imitation provoquée.

Koch-Grünberg nous a laissé une longue description, précise et détaillée, de pratiques magiques contre la maladie, en usage chez les Taulipang (région du Haut-Orénoque).

Pour ces Indiens, comme pour les primitifs en général, les maladies ne sont pas naturelles. Si elles ont été provoquées par des forces ou des opérations magiques, elles ne peuvent être combattues et vaincues que par d’autres forces ou opérations du même genre. Le medicine-man, appelé près d’un malade, invoque donc ses animaux, c’est-à-dire ceux qui font office d’esprits familiers auprès de lui. « Ces animaux… ont une relation définie avec la maladie. Par exemple, pour faire disparaître les abcès qui, à ce que croient les Indiens, proviennent d’avoir mangé du gros gibier (tapir, cerf, sanglier), on fait appel à diverses variétés de jaguars : car les

  1. Ibid., pp. 91-93. — Chez des Papous de la Nouvelle-Guinée ex-allemande, avant la chasse, on invoque certains crabes. De même qu’avec leurs pattes, ils extraient les poissons et autres animaux des trous dans les coraux, ce pouvoir qu’ils ont doit agir sur le gibier dans la forêt, et extraire, « en « esprit », les sangliers de leurs repaires, de telle sorte qu’on puisse les voir et les tirer. P. H. Meyer, S. V. D., Wunekau, oder Sonnenverehrung in Neu-Guinea. Anthropos, XXVIII, p. 43 (1933).
  2. Ibid., pp. 104-106.