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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/198

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Les étapes de la vie.

Avant d’examiner comment les primitifs se représentent l’individualité du mort, il ne sera pas inutile de considérer brièvement ce que sont pour eux les états successifs du vivant. Ils voient comme nous le nouveau-né devenir peu à peu un enfant, un adolescent, un adulte, et enfin un vieillard, dont les forces déclinent jusqu’au jour où la vie l’abandonne, si auparavant un accident ne l’a pas emporté. Mais ils n’ont pas, comme on sait, l’idée de fonction physiologique, ni celle de processus organique. L’épanouissement de l’être adulte n’est pas pour eux le point d’arrivée d’une évolution qui a duré de longues années. Ils sont plutôt portés à admettre des transformations brusques. Ils attribueront ces changements, comme les fonctions elles-mêmes, à la présence ou à l’absence de principes mystiques, qui sont, eux aussi, des êtres complets.

(A. P., page 257.)

Le nouveau-né.

Chez les Araucans, « la double cérémonie (de deuil) ne se pratiquait pas avec les cadavres des tout-petits ou des enfants en bas âge ; leur mort était un fait infra-social, qui laissait le groupe indifférent[1] ».

Infra-social le mot est à peu près repris par un observateur récent en Nouvelle-Guinée anglaise (Mailu). « Presque tous les événements dans la vie du village sont pour ses habitants des occasions de festoyer… Chose étrange, la naissance d’un enfant semble être comptée pour une chose strictement individuelle et privée, comme si elle ne regardait aucunement la communauté : pas de présents, pas de fête, pas de distribution de noix de coco[2]. »

Selon cette croyance si répandue, le nouveau-né n’est donc qu’à moitié né. Il appartient encore, au moins en partie, au monde des esprits. C’est là une des raisons qui font que l’infanticide, quand il s’agit de l’enfant à peine

  1. T. Guevara, Psicologia del pueblo araucano, p. 267.
  2. W. J. V. Saville, In unknown New-Guinea, p. 95.