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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/203

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6o La vie de l’homme adulte et initié, qui aboutit à la mort ; ― et le cycle recommence.

(F. M., pages 360-361.)

Cause de la mort.

Le primitif, qui sent très bien la différence entre l’individu vivant et le cadavre, explique la cessation des fonctions vitales par le départ d’un être, d’un « principe », qui les assurait. Ce principe n’est ni purement spirituel, ni purement matériel, s’il est permis de se servir ici de ces mots. Il est à la fois l’un et l’autre. Sa présence agit comme une vertu mystique. On se rappelle, par exemple, la « graisse des reins » des Australiens. Tant qu’elle est présente ou du moins intacte, elle garantit la vie de l’individu. Elle peut lui être enlevée par un sorcier, sans plaie apparente. Elle peut aussi dépérir du fait qu’une des appartenances de l’individu, — trace de ses pas, vêtements imprégnés de sa sueur, rognure de ses ongles, un peu de sa salive, de ses cheveux, etc., — a subi les opérations magiques d’un sorcier. Il y a mille manières de porter atteinte à cette graisse des reins, et de faire cesser son action de présence. La mort survient alors nécessairement. Ailleurs, le même rôle sera attribué au cœur, au foie, au sang, etc.

Toutefois, cette condition n’est pas la seule d’où dépende la vie. Si l’image de l’homme, son double, son atai, son tamaniu, son wairua, son mauri, etc., sont lésés ou détruits, il meurt, comme l’homme-léopard meurt quand « son » léopard est tué. En vertu de leur consubstantialité, la disparition du double entraîne en général celle de l’individu lui-même, qui n’en est pas réellement distinct.

Enfin, dans nombre de sociétés, l’individu comprend encore en soi, sans s’identifier complètement avec lui, un être qui a sa vie propre, et qui est lui cependant : l’iningukua de l’Australie centrale, le kra et le ntoro de l’Afrique occidentale, le nagual de l’Amérique centrale, le nyarong des Malais, etc. De cet être encore, il faut dire qu’aussi longtemps qu’il est présent, l’individu vit, mais que s’il s’éloigne définitivement, la mort a lieu aussitôt.

D’autre part, — et ceci a causé beaucoup de confusions, —