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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/204

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ces actions de présence ne sont pas indépendantes les unes des autres. L’ensorcellement d’un homme par des pratiques exercées sur une de ses appartenances, ou sur son image, en même temps qu’il arrête les fonctions vitales, détermine le départ de son génie protecteur. Réciproquement, l’absence définitive de ce génie (kra, ntoro, etc.), entraînant la mort de l’individu, fait cesser la présence du principe, distinct de ce génie, qui entretenait les fonctions vitales. Dans les deux cas, l’individu meurt et subsiste. Sa condition seule a changé. Retranché de la société des vivants, il fait désormais partie d’un autre groupe, celui des morts de sa famille ou de son clan, où il est plus ou moins bien accueilli. La plupart des langues ont un mot pour désigner l’individu passé à l’état de mort : tamate en Mélanésie, begu chez les Battak, etc. Nous n’avons pas de terme qui corresponde exactement à ceux-là, parce que la représentation qu’il exprime nous fait défaut. « Esprit, ombre, fantôme, revenant, spectre, spirit, ghost, Geist, etc. », tous ces mots, de même que celui d’ « âme », loin de traduire la pensée des primitifs, la travestissent et la trahissent. Pour y rester fidèle, nous nous abstiendrons désormais d’employer ces termes trompeurs, et nous dirons « l’homme mort » ou simplement « le mort ».

(A. P., pages 293-295.)

La mort est contagieuse.

La mort est sentie comme contagieuse.

Le primitif, toutefois, ne se représente pas la contagion comme nous. Il n’a aucune idée des agents pathogènes qui produisent l’infection, ni de la façon dont le contact peut la communiquer. Il croit — on pourrait aussi bien dire, il sent — que la mort est contagieuse, pour des raisons à la fois physiques et mystiques, inséparables dans son esprit. Le contact du cadavre rend « impurs » ceux qui le touchent, qui font sa toilette funèbre, qui le transportent, qui l’ensevelissent. Il faut que les hommes et les femmes qui ont pris une part plus ou moins active aux rites funéraires et qui ont subi ce contact passent par une série de purifications — nous dirions par une désinfection. Mais ce n’est pas dans cette impureté, souillure souvent facile à enlever par les