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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/216

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Relations entre les morts et les vivants.

Lorsque les ancêtres et les morts récents reçoivent des vivants ce à quoi ils ont droit, quand la conduite de leurs descendants les satisfait, ils ne se montrent ni indifférents ni ingrats. Favorablement disposés, ils sont prêts à leur accorder aide et protection toutes les fois qu’il le faudra. Selon le mot de M. Junod (et d’autres observateurs ont fait la même remarque), le Bantou, dans ses relations avec ses morts, comme avec les vivants, se règle sur la maxime : Do ut des. S’il leur offre la nourriture et la boisson dont ils ont besoin, il compte en recevoir l’équivalent sous une forme ou une autre. S’il leur présente périodiquement les offrandes et les sacrifices habituels, il s’attend en récompense à être protégé en toutes circonstances, et à sortir sain et sauf de tous les dangers.

(S. N., page 152.)

Les prières adressées aux ancêtres sont souvent mêlées de reproches. On leur donne ce qu’ils semblent exiger, tout en leur faisant sentir qu’ils abusent, et que, selon l’expression familière, on n’en a pas pour son argent. Voici, par exemple, une prière pour un enfant malade. « Vous, nos dieux (ancêtres en général), et vous, un tel (un mort particulier), voici notre inhamba (offrande). Bénissez cet enfant, faites-le vivre et grandir, rendez-le riche afin que, lorsque nous irons le voir, il puisse tuer un bœuf pour vous… Vous ne servez à rien, dieux, vous ne nous donnez que des ennuis ! Nous avons beau vous apporter des offrandes, vous ne nous écoutez pas. Nous manquons de tout ! Vous, un tel (nommant le mort à qui l’offrande doit être faite, d’après ce qu’ont décidé les osselets, c’est-à-dire le mort qui est irrité, et qui a incité les autres ancêtres à faire du mal au village et à rendre l’enfant malade), vous êtes plein de haine ! Vous ne nous enrichissez pas. Tous ceux qui réussissent le doivent pourtant à l’aide de leurs ancêtres ! Maintenant nous vous faisons le présent que voici. Appelez vos ancêtres, appelez aussi les ancêtres du père de cet enfant malade ; car la famille de son père n’a pas volé sa mère : les gens de