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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/219

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du bois, et mirent le feu au palmier. Tous les morts (Geister) qui s’étaient cachés dans le creux de l’arbre furent ainsi tués et rôtis, et durent servir de nourriture aux hommes[1]. » Tués, rôtis, et mangés : ces morts sont traités précisément comme l’auraient été, en pareille circonstance, des hommes vivants, en chair et en os.

(A. P., pages 406-408.)

La réincarnation.

La vie de l’autre monde ne se termine pas nécessairement comme celle du nôtre. Il y a des morts qui ne meurent pas. Une réincarnation périodique satisfait leur désir de revenir sur cette terre. Dans un grand nombre de sociétés, les enfants qui viennent au monde ont déjà vécu antérieurement, et plus d’une fois. Ils naissent pour mourir, et ils meurent pour renaître après un intervalle plus ou moins long. Au cours de ces passages successifs à travers la mort, que devient leur individualité ? Ici encore, nous nous trouvons en présence de représentations qui nous paraissent obscures, vagues et même contradictoires. L’esprit des primitifs s’engage dans des chemins où nous avons grand’peine à le suivre.

(A. P., page 409.)

À quel moment, et comment le mort se réincarne-t-il dans un être humain ? « Les uns tiennent que c’est lors de la mention de son nom, pendant la cérémonie divinatoire, que l’enfant devient Tel ou Tel, ou plutôt que Tel ou Tel devient l’enfant… Mais, maintes fois, j’ai entendu des hommes dire : « Je suis mon grand-père ; je suis entré dans le ventre de ma mère pour naître. » Dans ce cas, l’ « esprit » entre dans l’embryon, soit à la conception, soit un peu plus tard. S’il y avait unanimité sur ce point, cela nous aiderait à déterminer ce que sont leurs idées au sujet de l’âme. Si l’ « esprit » ne vient qu’à la cérémonie du nom, alors, jusqu’à ce moment, l’enfant n’a-t-il pas d’âme, ou n’a-t-il qu’une âme secondaire, nutritive, et l’esprit, qui survient ensuite, est-il l’âme rationnelle ? Quelle est la parenté entre l’esprit de l’ancêtre et le

  1. R. Neuhauss, Deutsch Neu-Guinea, III, pp. 164-165.