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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/223

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CHAPITRE X

LES PRIMITIFS ET LES EUROPÉENS

Idées primitives sur les Européens.

L’apparition des blancs parmi des primitifs qui n’en ont jamais vu, et qui, parfois, n’en soupçonnaient pas même l’existence, les premiers rapports qui s’établissent entre eux, sont des événements de nature, semble-t-il, à nous éclairer sur des caractères importants de la mentalité propre aux sociétés inférieures. Comment réagit-elle au premier contact des blancs et de tout ce qu’ils apportent avec eux d’extraordinaire ? Si nous avions sur cette rencontre des renseignements sûrs et détaillés, elle serait comme une sorte d’expérimentation naturelle, où la mentalité primitive, placée tout à coup dans des circonstances imprévues, se trouve jetée hors de ses habitudes et de ses traditions.

Malheureusement, les témoins de ces faits si intéressants pour la science anthropologique, les explorateurs, les missionnaires, les naturalistes, ne sont pas toujours préoccupés de les observer avec toutes les précautions nécessaires. Surpris par ce qu’ils voient, incapables d’étudier des gens dont ils ignorent la langue, et qui sont très défiants et craintifs, ils ne recueillent guère que ce qui leur paraît curieux, étrange, invraisemblable, dans l’apparence extérieure des « sauvages », et dans leurs façons d’agir, ou bien ils se bornent à raconter comment se sont établies leurs relations avec eux, amicales ou hostiles. D’autre part, pour des raisons plus qu’évidentes,