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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/229

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son œuvre, pour « déconvertir » le nouveau chrétien, si l’on ose risquer ce mot, ses amis emploieront donc des moyens de même nature que les siens. Speckmann rapporte bon nombre de faits caractéristiques de ce genre. « En septembre 1873, un jeune homme demande le baptême. Cinq fois ses frères et ses sœurs se présentèrent pour l’emmener : il leur résistait toujours. La sixième fois, par la ruse et la violence, ils réussirent. Arrivé au kraal, il fut forcé de prendre un émétique destiné à lui faire vomir la foi[1]. »

(S. N., page 74.)

Pour la première fois des blancs, des missionnaires, ont voulu s’établir à Tanna (Nouvelles-Hébrides). Aussitôt après leur arrivée, « quelques semaines de sécheresse commencèrent à arrêter la croissance des ignames et des bananes. Aussitôt, le temps sec fut mis sur notre compte, et sur celui de notre Dieu. Les indigènes furent convoqués, de près et de loin, pour examiner cette affaire en assemblée publique… (On somme les missionnaires de s’en aller, ou de faire pleuvoir…) Le dimanche suivant, juste au moment où nous nous réunissions pour le culte, la pluie se mit à tomber en grande abondance. Tous les indigènes crurent, apparemment, qu’elle était envoyée pour nous sauver en réponse à nos prières… ils décidèrent de nous permettre de rester à Tanna. Hélas ! bientôt survinrent la maladie et la fièvre. Le vent, soufflant en tempête, endommagea leurs fruits et leurs arbres fruitiers nouvelle occasion de rendre les missionnaires responsables de tout. Un bateau coule en mer… Ce malheur encore, les indigènes le mirent à notre compte, comme tout ce qui arrivait d’insolite ou de fâcheux à Tanna[2]. » Personne ne sait d’où viennent les blancs, ni de quoi ils sont capables : il est donc naturel de les soupçonner de sorcellerie. Après leur arrivée, les calamités se succèdent. Plus de doute : les blancs sont des porte-malheur. Un principe nocif les accompagne, habite en eux, et exerce une influence pernicieuse. En un mot, ce sont des sorciers.

(S. N., pages 181-182.)
  1. F. Speckmann, Die Hermannsburger Mission in Afrika, pp. 491-492 ; cf. 501 (1876).
  2. J. G. Paton, missionary to the New-Hebrides, An autobiography. 1st Part, pp. 87-88 (1898).