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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/237

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CHAPITRE XI

DE LA MENTALITÉ PRIMITIVE À LA NÔTRE

Évolution de la mentalité primitive.

Là où les âmes et les esprits ne sont pas encore individualisés, la conscience individuelle de chaque membre du groupe demeure étroitement solidaire de la conscience collective. Elle ne s’en dégage pas nettement, elle ne s’y oppose pas tout en s’y unissant ; ce qui domine en elle, c’est le sentiment continu de la participation. Plus tard seulement, quand l’individu humain prend une conscience claire de lui-même en tant qu’individu, quand il se distingue formellement du groupe auquel il se sent appartenir, alors les êtres et les objets extérieurs commencent aussi à lui apparaître comme pourvus d’âmes ou d’esprits individuels, durant cette vie et après la mort[1].

Ainsi, lorsque les rapports du sujet social collectif avec les sujets individuels qui le composent évoluent, les représentations collectives se modifient du même coup. La mentalité primitive sous sa forme la plus pure impliquait la participation sentie et vécue, à la fois des individus avec le groupe social, et du groupe social avec les groupes ambiants. Ces deux participations sont solidaires. Les modifications de l’une retentissent donc sur l’autre. Au fur et à mesure

  1. Kruyt, Het animisme in den indischen Archipel (1906) pp. 2-5.