Aller au contenu

Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont dépend la vie de la tribu, cette représentation collective sera particulièrement mystique, et elle conservera à un haut degré les caractères propres de la mentalité prélogique. La participation, concentrée pour ainsi dire en ces êtres qui en sont les véhicules, les vases d’élection, devient ainsi elle-même un objet de représentation. Par contraste, les autres familles, les autres individus du groupe social, les groupes ambiants non intéressés dans cette participation sont représentés d’une façon plus indifférente, plus désintéressée, donc moins mystique, donc plus objective. C’est dire qu’une distinction de plus en plus nette et de plus en plus stable tend à s’établir entre les êtres et les objets sacrés d’une part, et les êtres et les objets profanes de l’autre.

(F. M., pages 440-441.)

En même temps que la mentalité des sociétés de type inférieur devient plus perméable à l’expérience, elle devient aussi plus sensible à la contradiction. Auparavant, elle y était presque entièrement indifférente. Orientée selon la loi de participation, elle ne voyait aucune difficulté à des affirmations qui pour nous sont contradictoires. Un être est lui-même et en même temps un autre, il est en un lieu et il est ailleurs, il est individuel et il est collectif (identité de l’individu et de son groupe), etc. La mentalité prélogique se satisfaisait de ces affirmations, parce qu’elle faisait mieux que d’en voir ou d’en comprendre la vérité. Elle la sentait, elle la vivait, par l’effet de ce que j’ai appelé une symbiose mystique. Mais que l’intensité de ce sentiment dans les représentations collectives diminue, la difficulté logique commencera à son tour à se faire sentir. Alors apparaissent peu à peu les intermédiaires, les véhicules de la participation. Ils la rendent représentable, ils assurent, par les moyens les plus variés, par des transmissions, par des contacts, par des transferts de propriétés mystiques, les communions d’essence et de vie qui étaient auparavant senties de façon immédiate, mais qui risquent de sembler inintelligibles dès qu’elles ne sont plus vécues.

(F. M., pages 443-444.)