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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/247

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De la préreligion à la religion.

Dans l’ancien monde, nous voyons persister longtemps, un peu partout, le culte de dieux à forme partiellement animale dans les religions de l’Inde et de l’Extrême-Orient, comme dans celles du monde méditerranéen, en Égypte, en Asie Mineure, en Crète et même en Grèce, où des divinités à forme animale se sont maintenues jusqu’à l’époque classique, dans quelques régions reculées et attardées, comme l’Arcadie. Il s’en rencontre de pareilles dans les mythologies celtique, germanique, scandinave, slave, etc. Bref, le zoomorphisme, au moins partiel, des êtres divins semble avoir été longtemps à peu près universel.

Les représentations plastiques des dieux témoignent abondamment de cette persistance. Dans toutes les parties du monde leurs images — peintures, dessins, sculptures, gravures — ont traduit de la façon la plus expressive, et la plus parlante, cette dualité de nature : corps humain à tête d’animal, ou corps d’animal à visage humain ; moitié supérieure du corps humaine, tandis que les membres inférieurs sont d’un animal, ou inversement, etc. Parfois, dans une effigie tout humaine, un seul membre ou une extrémité seulement rappellera l’animal. Une tradition tenace a perpétué ces figures composites à travers les siècles. Là où se maintenait, avec les mythes, la croyance aux ancêtres mi-humains, mi-animaux, le sens de ces images restait clair. Au fur et à mesure que la préreligion cédait la place à des religions et à des cultes proprement dits, il s’est peu à peu obscurci. À la fin, ces figures n’ont plus été que des énigmes, bizarres ou ridicules aux yeux du sens commun.

(My. P., pages 219-220.)

Des mythes aux contes.

Malgré toute notre bonne volonté, nous ne réussissons pas à considérer les mythes comme réellement « vrais ». Qu’ils remplissent dans la vie sociale des indigènes des fonctions essentielles, que les fêtes, les cérémonies, les images plastiques pour lesquelles on prend tant de peine expriment une