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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/92

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Que le totem soit un animal, comme dans cet exemple, ou une plante, ou, ce qui arrive plus rarement, un objet, ou un corps céleste, ou la pluie, ou le feu (tous ces êtres d’ailleurs, doués de vie, peuvent prendre la forme de personnes), il importe peu. Ce sur quoi l’indigène fixe son attention, ce n’est pas ce que l’on peut voir, toucher et flairer de ces êtres et de ces objets ; c’est leur essence mystique, c’est-à-dire l’ancêtre qui leur est commun avec lui, objet d’une vénération et d’un respect quasi religieux.

(My. P., pages 92-93.)

Parenté de lieu.

« Les indigènes sont très hospitaliers, et quand une famille a plus d’aliments d’une certaine sorte qu’il ne lui en faut, elle invite en général ses parents et ses voisins à venir les partager. Mais un étranger à la tribu, s’il maraude, s’expose à être tué. Le risque qu’il court est énorme[1]. » Si le groupe réagit ainsi instinctivement, c’est qu’il se sent atteint dans une de ses appartenances. Les produits de sa terre, plantes et animaux, c’est lui-même, non par métaphore, mais dans toute la force du terme.

Cette « parenté de lieu », cette participation entre un coin de terre déterminé, et les êtres humains et autres, qui y vivent, est particulièrement manifeste quand il s’agit des centres dits totémiques.

Les centres totémiques locaux, les espèces animales et végétales et les groupes humains qui les fréquentent, les cérémonies qui y ont lieu, tout cela doit également son existence aux ancêtres mythiques. Spencer et Gillen s’en sont convaincus chez les tribus du Centre et du Nord de l’Australie, M. Elkin et M. Radcliffe-Brown, chez plusieurs de celles du Nord-Ouest. « La cérémonie dans un centre donné, écrivait encore récemment M. Radcliffe-Brown, est la propriété du clan à qui ce centre appartient, et ce sont les hommes de ce clan qui la célèbrent. Il y a un ensemble de mythes qui racontent comment les divers centres totémiques

  1. Dr W. E. Roth, Superstition, magic and medicine. (North Queensland Ethnography, Bulletin no 8, p. 8.)