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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/96

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à travers une série d’ancêtres, à la façon dont se transmettent les facultés psychiques des animaux. »

(My. P., pages 108-109.)

Mythes expliquant l’origine de la mort.

Un mythe… explique l’origine de la mort par une désobéissance… Voici une version d’un de ces mythes : « Une bonne vieille femme était morte, et elle sortit toute seule de sa tombe, du trou où on l’avait mise. Là-dessus, elle dit à un enfant : « Va me chercher un peu de feu que je me réchauffe ! »

« L’enfant se refusa à y aller. Il n’obéit pas à la bonne vieille, qui s’efforçait en vain de le persuader.

« C’est ainsi que cette vieille femme mourut de nouveau.

« Si cet enfant l’avait écoutée, nous ne serions pas la proie d’une mort définitive. Sans doute, on nous enterrerait ; mais nous nous tirerions tout seuls de la tombe, et nous nous réveillerions, nous reviendrions à la vie, parce que nous nous serions réchauffés auprès du feu.

« Mais comme cet enfant n’a pas obéi à la vieille femme, nous ne nous réveillerons pas, nous ne revenons pas à la vie. Nous mourons une fois pour toutes[1]. »

Dans un mythe des Marind-anim, Amaremb, un Dema, donne à un serpent une « médecine » qui le fait changer de peau. « Depuis lors, les serpents ne meurent plus. Lorsqu’ils sont malades, ou qu’ils se sentent mal en point, ils ne font que muer. Si Amaremb avait pu encore donner cette même médecine à Iāwi, celui-ci ne serait pas mort ; alors, les hommes ne mourraient pas non plus. Ils ne feraient que changer de peau, comme les serpents quand ils sont malades[2]. » Ainsi, faute d’une certaine médecine, Iāwi est mort. Ce fait s’étant produit dans le monde mythique, la conséquence s’ensuit que les hommes actuels sont aussi sujets à la mort. Si, au contraire, Iāwi avait pu être sauvé par la médecine qui a préservé les serpents en les faisant simplement muer, les hommes échapperaient aussi à la mort (en vertu de

  1. P. Jos. Meier, M. S. C., Mythen und Erzählungen der Küstenbewohner der Gazelle-Halbinsel, p. 107.
  2. P. Wirz, Die Marind-anim von holländisch Süd-Neu-Guinea, II, p. 69.