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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/97

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l’imitation-participation qui règle un événement donné de notre monde sur l’événement correspondant de la période mythique).

(My. P., pages 168-169.)

Mythes expliquant les fautes humaines.

Pareillement, des fautes commises, des sentiments éprouvés aujourd’hui sont rapportés à des « précédents » de la période mythique. Un jeune garçon a dérobé des graines à sa sœur. Elle s’aperçoit de ce qui lui a été pris, et elle demande à son frère d’avouer. Il s’y refuse d’abord. « À la fin, le garçon dit : « Eh bien ! oui, c’est moi qui les ai mangées ! » Depuis lors, les enfants indiens ont l’habitude de voler les semences d’autres personnes et, quand on les y prend, ils se défendent par le mensonge[1]. »

Un dernier exemple, dans un mythe des Nez-Percés. La femme de Coyote l’abandonne. « Ce soir-là, elle ne revint pas près de lui. Elle était partie avec un autre.

« Coyote en fut très affecté, et dit : « Allons, je me sens bien malheureux ! Pourtant, il n’y a rien à faire. D’autres se sentiront aussi malheureux que moi, quand ils se rendront au pays des buffalos, et que leurs femmes les abandonneront. » Plein de tristesse, il retourna à son ancienne demeure, et depuis ce temps-là, souvent des femmes ont abandonné leurs maris dans le pays des buffalos[2]. » Le mythe ne se propose sûrement pas de les excuser, ni de rejeter toute la responsabilité sur l’épouse de Coyote. Mais elle a créé le « précédent ». Sans lui, leur faute ne se produirait pas. Le mythe dit formellement qu’elle ne se commet que depuis qu’il a eu lieu.

(My. P., pages 172-174.)
  1. G. A. Dorsey, Traditions of the Skidi Pawnee. (Bureau of American Ethnology, Bulletin no 8, p. 170.)
  2. J. Spinden, Nez-Percés tales. Folktales of Salishan and Sahaplin tribes. Memoirs of the American Folklore Society, XI, p. 192.