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Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/99

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de la liaison causale des phénomènes. Pour éviter cette sorte de contradiction, il vaudrait sans doute mieux cesser d’accoler à « mythe » l’épithète « étiologique », ou du moins il faudrait se rappeler toujours que la cause indiquée par le mythe est d’un autre genre que nos causes secondes.

Quand on s’attache, comme le font nos sciences expérimentales, à l’enchaînement des phénomènes, la série des causes et des effets demeure indéfinie, par en haut et par en bas. On peut toujours essayer de remonter à la cause seconde d’une cause seconde. Mais lorsqu’un mythe a fait voir comment ce qui existe aujourd’hui « reproduit » ce qui a existé dans la période prétemporelle, et trouve sa raison d’être dans cette imitation-participation, que demander davantage ? Le mythe, dit le Dr Fortune, « justifie », « « légitime » (validates[1]). L’expression est heureuse. En rapportant les êtres et les événements actuels à des « précédents », à des modèles, à des archétypes du monde surnaturel, le mythe fait beaucoup plus que de déterminer un nexus causal. Il donne une raison que nous appellerions transcendante ou métaphysique. Mais, naturellement, il ne la présente jamais qu’en termes particuliers et concrets, et sous la forme d’un récit.

(My. P., pages 175-176 et 179.)

Le mythe, reflet des institutions.

Souvent aussi les mythes dits « étiologiques » semblent refléter des institutions. Ainsi, un clan se sent engagé dans des relations particulières avec les animaux d’une certaine espèce. Tout membre de ce clan s’abstient de les manger, sinon de les tuer. Quand il en trouve un mort, il lui rend les honneurs funèbres comme à un proche parent. En revanche, il attend de ces animaux, en cas de besoin, aide et protection, etc. À cet état de fait, fréquent dans les diverses parties du monde, correspondent des mythes variés, par exemple des deux sortes suivantes. Tantôt, comme chez les Marind-anim, et dans nombre d’autres tribus de Nouvelle-

  1. R. F. Fortune, Sorcerers of Dobu, p. 262. — Cf. K. Th. Preuss, Der religiöse Gehalt der Mythen, p. 20 et Br. Malinowski, Myth in primitive psychology, p. 121.