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Qu’est-ce que la vérité ?


(Ontologie et Éthique)


ού γάρ δεῖται ίδρύσεως, ῶσρερ αύτ῀ο
φέρειν ού δυνάμενον.
Plotin VI, 9, 6.
τότε δέ χρὴ ἐωρακέναι πιστεύειν, ὄταν
ὴ ψυχὴ ὲξαίφνης φῶς λάβη.
Plotin V, 3, 17.
I


Hering a intitulé l’article où il critique mon Memento mori[1], Sub specie aeternitatis. Titre bien significatif ! On pourrait dire en un certain sens que ces paroles établissent le bilan de la pensée philosophique, sinon de l’humanité entière, tout au moins de l’Occident. L’Éternité fut de tout temps l’objet de la réflexion philosophique, et les arguments des adversaires de la philosophie se brisèrent toujours contre cette forteresse imprenable : l’Éternité. Et cependant, ceux qui connaissent l’œuvre de Husserl doivent se demander s’il est permis de placer l’auteur des Logische Untersuchungen sous la haute protection de cette idée, qui, bien qu’ancienne et respectable et même parfaitement définie, néanmoins n’est pas « scientifique ».

Sub specie aeternitatis, c’est en effet la quintessence de cette sagesse et de cette profondeur de pensée, contre lesquelles Husserl s’était dressé avec tant de force et de passion dans son étude Philosophie als strenge Wissenschaft. Mais Hering ne veut pas en tenir compte ; il va même chercher aide et appui auprès des Saintes Écritures et invoque Mathieu X, 39. Il dit : « Le Memento mori de Chestov impressionnera-t-il les représentants de la philosophie scientifique ? Lorsqu’il les avertit de ne pas risquer leur vie à la

  1. Voir Revue Philosophique, janvier 1925.