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Page:Lévy - Stirner et Nietzsche.djvu/78

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que les deux partis en présence concluent un traité qui serait à ses yeux une chaîne, Nietzsche prévoit que la crainte de la guerre imminente amènera un arrangement et il y aura dès lors des droits et des devoirs réciproques. Les idées de Nietzsche, sur ce point, ressemblent moins aux idées de Stirner qu’aux idées de Ferdinand Lassalle, par exemple, sur les constitutions. Du moment que Nietzsche invoque l’intérêt général ou supérieur (der höchste Nutzen), il se sépare nettement de Stirner, qui ne voit dans le général qu’une abstraction, et dans le supérieur qu’une ombre tyrannique. Ce que Nietzsche dit de l’humanité : « il faut que l’humanité voit dans toute force, même la plus dangereuse, un outil qu’elle fait servir à ses fins », Stirner le dit du Moi ; il remplace le sujet « humanité » par le sujet « Moi », qui lui paraît seul réel. Tandis que Stirner considère que la révolte ouverte et latente est la seule attitude qui convienne à l’individu conscient de sa force, Nietzsche parle en homme de gouvernement : il se demande quelle est la force exacte du socialisme, comment on peut faire jouer ce ressort et agir ce levier ; il va, malgré la répugnance instinctive qu’il éprouve en présence des forces démocratiques, jusqu’à envisager le cas où il y aurait lieu de fortifier autant que possible le socialisme. Stirner est avec les opprimés qui se soulèvent et se redressent ; son mot favori exprime un mouvement de bas en haut (Empörung). Nietzsche, qui a l’esprit militaire, admire toute orga-