Page:L’Évangile de la raison, ouvrage posthume.djvu/226

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
( 206 )

du sentiment que nous avons de notre liberté, et sans nous embarrasser de ses conséquences, voici ma pensée.

Ce qui est dépendant d’une chose a certaines proportions avec cette même chose, c’est-à-dire qu’il reçoit des changemens quand elle en reçoit selon la nature de leur proportion.

Ce qui est indépendant d’une chose n’a aucune proportion avec elle ; en sorte qu’il demeure égal quand elle reçoit des augmentations et des diminutions.

Je suppose avec tous les métaphysiciens, 1°. que l’ame pense selon que le cerveau est disposé, et qu’à des certaines dispositions matérielles du cerveau, et à de certains mouvemens qui s’y font, répondent certaines pensées de l’ame. 2°. que tous les objets, même spirituels, auxquels on pense, laissent des dispositions matérielles, c’est-à-dire des traces dans le cerveau. 3°. je suppose encore un cerveau où soient en même temps deux sortes de dispositions matérielles, contraires et d’égale force, les unes qui portent l’ame à penser vertueusement sur un certain sujet, les autres qui la portent à penser vicieusement.

Cette supposition ne peut être refusée ; les dispositions matérielles contraires se peuvent aisément rencontrer ensemble dans le cerveau au même degré, et s’y rencontrent même nécessairement toutes les fois que l’ame délibère et ne sait quel parti prendre.

Cela supposé, je dis : ou l’ame se peut absolument déterminer dans cet équilibre des dispositions du cerveau, à choisir entre les pensées vertueuses et les pensées vicieuses, ou elle ne peut absolument se déterminer dans cet équilibre.

Si elle peut se déterminer, elle a en elle-même le pouvoir de se déterminer, puisque dans son cerveau tout ne tend qu’à l’indétermination, et que pourtant elle se détermine.

Donc, ce pouvoir qu’elle a de se déterminer est indépendant des dispositions du cerveau.

Donc, il n’a nulle proportion avec elle.

Donc, il demeure le même, quoiqu’elles changent.

Donc, si l’équilibre du cerveau subsiste, l’ame se détermine à penser vertueusement ; elle n’aura pas moins le pouvoir de s’y déterminer quand ce sera la disposition matérielle à penser vicieusement qui l’emportera sur l’autre.